Les verbes filtres en narration interne : comment éviter cet écueil pour écrire un roman immersif
Lorsque tu choisis ton point de vue pour écrire un roman, la manière dont tu décris les sensations, les perceptions et les émotions de ton personnage joue un rôle crucial dans l’immersion du lecteur. Un des obstacles à cette immersion est l’usage des « verbes filtres », comme « voir », « entendre », « sentir », « réaliser », « remarquer », ou encore « ressentir ». Ces verbes, souvent innocents en apparence, créent une distance entre le lecteur et l’expérience directe du personnage.
Dans cet article, nous allons voir ce que sont ces verbes filtres, pourquoi ils nuisent à l’immersion, et comment les remplacer pour une narration interne plus vivante et immersive. À la fin, tu seras armé d’astuces pratiques pour éviter cet écueil tout en enrichissant ta plume ! 😊
Qu’est-ce qu’un verbe filtre ?
Un verbe filtre est un verbe qui, dans une narration au point de vue interne, sert à introduire une perception ou une réaction sensorielle d’un personnage. Par exemple :
- « Elle entendit un cri au loin. »
- « Il vit l’ombre passer devant la fenêtre. »
- « Je sentis la brise sur mon visage. »
Ces formulations, qu’elles soient à la première ou à la troisième personne, rappellent au lecteur qu’il existe une barrière entre lui et le protagoniste : il observe un personnage qui observe une scène, au lieu de vivre directement l’expérience.
Pourquoi éviter les verbes filtres ?
- Ils créent une distance avec le lecteur
Lorsque tu écris « elle vit l’équipage baisser en hâte la voile » (exemple tiré de Shikanoko 3 de Lian Hearn), tu forces le lecteur à prendre conscience qu’il regarde une scène à travers les yeux du personnage. L’expérience devient médiatisée, moins immersive. En limitant ce genre de formulation, tu plonges directement ton lecteur dans l’action. - Ils alourdissent le texte
Les verbes filtres ajoutent souvent une étape superflue dans la description. Compare :
- « Elle ressentait l’aura austère des lieux. » (L’Engrange-Temps de Nell Pfeiffer)
- « L’aura austère des lieux lui glaçait le sang. »
La deuxième version est plus directe et transmet mieux l’atmosphère. Bien sûr, la première fonctionne aussi, car la phrase est plutôt directe, mais …
- Ils brisent le rythme
Les verbes filtres introduisent souvent un écart entre l’action et la réaction, ce qui peut ralentir le rythme de ton texte, surtout dans des scènes intenses.
Comment remplacer les verbes filtres ?
1. Plonge dans l’immédiat
En supprimant le verbe filtre, tu peux directement décrire ce que le personnage perçoit. Exemple :
- « Elle entendit le cri provenant de la pièce voisine. »
devient : - « Le cri provenant de la pièce voisine lui glaça le sang. » (Le Dernier Né de Noémie Bourgois)
La deuxième version est plus immersive car le lecteur vit directement la réaction du personnage.
Jupiter Phaeton – Le Trône des Magiciens
2. Décris les effets sensoriels
Remplace les verbes filtres par des descriptions concrètes :
- « Je sentis la chaleur du soleil sur ma peau. »
devient : - « La chaleur du soleil caressait ma peau. »
- « Des singes les accueillirent par leurs cris et leurs jacassements. » (Lian Hearn, Shikanoko 3)
3. Mets en avant l’action ou l’atmosphère
Quand une scène nécessite un rythme rapide ou une immersion forte, décris directement l’événement :
- « Elle vit l’équipage baisser en hâte la voile couleur d’ocre. »
devient : - « L’équipage baissa en hâte la voile couleur d’ocre, qui s’abattit sur le pont. » (Lian Hearn, Shikanoko 3)
4. Utilise des verbes d’action ou d’émotion
Certains verbes filtres peuvent être remplacés par des verbes plus dynamiques ou expressifs :
- « Elle ressentit une vague de panique. »
devient : - « Une vague de panique l’envahit. »
Quelques exceptions à connaître
Il est parfois pertinent d’utiliser un verbe filtre, notamment :
- Pour ralentir le rythme ou créer une distance volontaire, par exemple dans un moment de réflexion :
« Elle réalisa alors que tout était perdu. » - Pour insister sur l’état d’esprit d’un personnage, dans une narration introspective
- Ou encore si le verbe filtre permet plus de fluidité (“Elle ressentait l’aura” chez Nell Pfeiffer par exemple)
Conclusion : améliorer l’immersion dans ton roman
En évitant les verbes filtres, tu renforces l’immersion dans ta narration interne et tu rapproches ton lecteur de tes personnages. Lors de la phase de révision, pense à repérer ces verbes pour les remplacer par des descriptions directes, des effets sensoriels ou des verbes d’action.
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