Christelle Evita a écrit Devenir le parent de son parent, un livre témoignage sur son expérience d’aidante. Dans cet épisode, elle t’explique comment écrire un livre témoignage ou autobiographique, comment écrire des moments forts de notre vécu, et ses conseils pour tenir jusqu’au bout !
Ecrire un livre témoignage / une autobiographie avec Christelle Evita
Ingrid: [00:00:17] Et on est avec Christelle Evita ! Alors, est-ce qu’avant tout, tu pourrais dire à nos auditeurs qui tu es, avant de parler de ton livre?
Christelle: [00:00:33] Alors, Christelle, je suis une Parisienne de 44 ans. Je suis amoureuse des chats, de lecture, d’écriture, de sport, de yoga. J’écris donc des pièces de théâtre et là, tout récemment, un témoignage. J’ai une autre activité : Je travaille aussi dans le monde de l’entreprise. Donc, je suis une slasheuse.
L’écriture du livre témoignage Devenir le parent de son parent
Ingrid: [00:01:05] Est ce que tu peux nous parler de ton livre qui s’appelle “Devenir le parent de son parent. Ou presque?” Et en particulier, pourquoi tu as choisi d’écrire sur ton statut d’aidante ?
Pourquoi Christelle a choisi d’écrire un livre témoignage
Christelle: [00:01:16] Alors ce livre est un témoignage sur ma vie d’aidante parce que c’est actuellement ce que je suis. Pour ma mère, qui est une personne âgée, une vieille dame qui a 84 ans et qui est atteinte de troubles neuro-dégénératifs, ce qu’on appelle classiquement Alzheimer.
Et du coup, cette identité d’aidante familiale, c’est une nouvelle identité que j’endosse depuis octobre 2020. Et c’est quelque chose qui m’est tombé dessus. Du coup, au fur et à mesure de ce que je vivais, j’ai fait de recherches, lu autour de moi, dans les communautés d’aidants … J’en ai eu un peu assez parce que c’était beaucoup de choses, en tout cas dans ce que j’ai vu et lu, très lénifiantes. “Oh, c’est super !” “J’ai une nouvelle relation avec ma mère âgée.” “Elle l’a fait pour moi, c’est à moi de le faire pour elle”… Ce n’était pas du tout comme ça que je vivais, et que je vis, la situation !
Et j’ai eu envie de faire un témoignage. J’avais envie de dire quelque chose d’un peu moins politiquement correct. Loin de toutes ces phrases là, “c’est super”, “elle t’a élevée, il faut rendre la pareille”… J’avais aussi envie de montrer qu’il y avait une autre réalité et montrer l’envers du décorde la dépendance.
Décrire l’envers du décor
Christelle: [00:02:56] L’envers du décor sur ma condition, sur comment je le vivais, moi, aidante, parce que ça, je ne le lisais nulle part, je lisais que des trucs “super, c’est génial”, alors que ce n’était pas ce que je vivais. J’avais envie de partager ça, de dire aux gens : Voilà pourquoi c’est chamboulant. Dire aussi qu’il y a du déni. Parce que moi, je me suis rendu compte qu’avant que ça me tombe dessus, j’étais dans le déni. C’est à dire que je faisais comme si ma mère ne vieillissait pas. Bien sûr qu’il y avait des signes avant-coureurs.
Mais c’était trop, émotionnellement, trop dur à reconnaître. Je voulais témoigner de ça et de toute la charge administrative. Parce que ça, c’est un truc qu’on ne dit pas. Mais en fait, un parent qui est âgé, qui devient dépendant, et notamment de manière cognitive, signifie aussi plein de choses que tu dois faire à sa place.
Cette dimension administrative, tu l’ignores jusqu’à ce que ça te tombe dessus. C’est un peu un double choc avec la recherche d’Ehpad. J’avais envie de partager ce témoignage, déjà pour la dimension émotionnelle, mais aussi sur des aspects très concrets que je n’avais pas et que, je présume, d’autres n’ont pas non plus.
Informer
Ingrid: [00:04:24] Et tu n’avais pas trouvé ça ailleurs et tu estimais qu’il y avait aussi un manque à ce sujet, peut-être d’information de la part de notre gouvernement ?
Christelle: [00:04:31] Finalement, il y a de ça. Alors après, sans doute que l’info, peut-être, existe et que j’ai mal cherché. Mais on te dit toujours “Il faut mettre votre mère dans un EHPAD” si je donne un exemple. Donc un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Donc tu dis OK, t’as l’impression que c’est toi qui choisis, qui décide.
Mais en fait, si la personne est dépendante cognitive et même, je pense, physique, tu ne choisis pas vraiment. C’est le docteur, soit ton médecin de ville, soit en milieu hospitalier et l’équipe de l’Ehpad qui vont analyser le dossier de ton parent et décider si oui ou non, il peut être accepté dans l’Ehpad.
Tout ce que Christelle a découvert
Donc, le choix laissé à la famille ou aux aidants est somme toute assez restreint et en même temps se comprend parce que c’est immense. Ma mère, par exemple, a des troubles cognitifs. Certains établissements sont très ouverts. Les résidents peuvent rentrer et sortir. Mais pour quelqu’un comme ma mère, qui a des troubles, des pertes de mémoire très fortes, , c’est très dangereux parce qu’elle peut partir.
Christelle: [00:05:49] C’est d’ailleurs ce qui s’est passé. Donc, par exemple, tu ne choisis pas ton établissement. Du coup, ça, tu ne le sais pas, donc c’est très étrange, idem pour les dossiers, tous les papiers administratifs. Surtout quand tu n’as pas la signature. Ces infos-là, très, très concrètes, ne sont pas communiquées. Savoir que, en fait, ces maladies-là avancent à bas bruit et qu’il faut, à un moment donné, oser se dire même si c’est dur : Là, il faut que j’aie procuration ou que j’aie la signature sur un certain nombre des documents administratifs et bancaires de mon parent. Parce que ce n’est pas quand le parent est complètement “parti” que tu vas pouvoir obtenir la signature. C’est typiquement des choses comme ça pour lesquelles je n’ai pas trouvé l’info. Et j’avais envie aussi de partager ça.
Ecrire un livre témoignage fort … en émotions
Ingrid: [00:06:54] Et en plus de partager donc ce côté concret, les échanges que j’ai eus avec toi, avant et pendant l’écriture, ça a aussi été sur tout ce côté émotionnel qui vient avec. Comme tu dis, tu parles de moments charnières, comme le fait d’avoir la procuration, de décider ou non de mettre son parent en EPAD. C’est des moments très, très forts, peut-être même violents. Comment est-ce que tu en es venue à te dire : ces moments très forts et violents, je vais les extérioriser et les écrire ?
Ecrire des scènes fortes en émotion
Christelle: [00:07:23] Ce qui se passe, c’est que déjà, quand j’écris, quel que soit le sujet, je suis un peu comme dans un état second, c’est à dire que c’est moi qui produis, mais après, quand je relis, j’ai jamais l’impression que c’est moi intentionnellement qui ait voulu faire ça. Il y a déjà ça, c’est déjà de base. Et après, concernant les mouvements effectivement forts dont tu parles, par exemple, quand je raconte la première fois que tu laves le corps nu de ta mère. En fait, j’écris tout ce qui me choque, qui me dérange et comment j’en viens à ça, c’est quand le réel vient me percuter. Et dans le cas du fait de laver le corps de ma mère de son vivant, ce qui s’est passé, c’est que c’est vraiment le réel qui m’a percuté.
Ça m’a mis en état de sidération parce que je n’étais pas du tout prête. Tu nous avais donné le conseil de toujours avoir un petit carnet sur nous, et en fait, tous les moments comme ça, un peu fort ou déroutants, je les notais. C’est aussi une façon de dire, je vais en faire quelque chose. Je ne vais pas le garder en moi. Non, je le notais. Et puis ensuite, je le ressortais quand je passais à l’écriture. Donc, il y avait un truc comme ça qui m’a permis d’écrire des choses un peu difficiles. Je n’y pensais pas toute la journée, comme je l’avais écrit sur le carnet, j’y revenais au moment d’écrire.
Prendre conscience de l’aspect public
Ingrid: [00:09:37] Comment s’est passé, en fait, le moment où tu t’es dit : “ce n’est pas, ça ne va pas être de l’écriture comme parfois, j’écris des pièces de théâtre ou peut être un journal pour m’aider à extérioriser, à vivre le moment. C’est vraiment un livre. J’ai envie de partager ça” ?
Christelle: [00:09:54] J’avais commencé à écrire autour de ce que je vivais avec ma mère, mais avant qu’elle soit en institution, ça me faisait du bien, il y a un moment, en 2018. Je me disais : mais quand même, je devrais en faire quelque chose.
Parce qu’effectivement, je me rendais compte que ça pouvait difficilement être une écriture théâtrale. Je ne voyais pas comment faire une pièce ou un monologue théâtral, donc j’avais laissé ça en jachère. Et puis donc, en janvier 2021, je scrolle sur Instagram et je vois passer un Mastermind pour écrire un livre. Je me dis : Tu sais que tu ne pourras pas en faire une pièce de théâtre et en même temps, t’as envie d’en faire quelque chose.
L’écriture autobiographique, de témoignage, peut être intéressante, surtout que je ne serai pas toute seule. Si jamais je bloque, si jamais c’est trop dur. Donc voilà comment ça s’est fait : avec cette opportunité, cette synchronicité. C’est comme ça que ça s’est goupillé, ce que sinon je pense que ce serait encore dans mon tiroir. Parce qu’au bout d’un moment, il me fallait aussi … bosser !
L’importance d’un objectif clair
Ingrid: [00:11:33] Et justement, ce Mastermind, c’était un défi co-organisé par J’écris un roman où le but était d’écrire le livre en un an (Il s’appelle aujourd’hui AccélérAuteur). Et est-ce que le fait d’avoir une date limite a été important pour toi?
Christelle: [00:11:45] Alors pour moi, oui, ça m’a motivée parce que j’ai ce que j’appelle le syndrome de la bonne élève. Le mastermind dure un an, donc ça doit être fait dans un an. Il y avait un truc où, en même temps, je ne pensais pas du tout réussir. Mais comme j’avais signé, dit OK pour le mastermind, je m’étais engagée à finir en un an. Moi, ça m’a boostée. Surtout que ça faisait un certain temps, au moins depuis 2018, que j’avais des bribes, mais n’en faisais rien. Quand je me suis inscrite, je ne pensais pas que ça allait aboutir à la forme que ça aujourd’hui.
Se mettre des sous-objectifs
Donc oui, il y avait cette date de 1 an. Pour moi, ça a été vraiment boosteur. Et ce qui m’a encore plus aidée, c’est que surtout, il y avait des échelons, des étapes, des échéances avant telle date. Tu auras le premier jet à telle date, les corrections, la béta lecture, la publication : statut d’auteur autoédité, mise en forme… Ce qui fait qu’il y avait la grande échéance, mais en même temps, il y avait toutes les petites étapes. C’était moins angoissant, comme on dit “comment je mange un éléphant : par petits bouts”. Donc, en même temps, c’était bien d’avoir l’échéance finale, mais heureusement qu’il y avait des jalons intermédiaires.
Ingrid: [00:13:25] Et est-ce que au niveau de l’écriture en elle-même, parce que tu écrivais du théâtre, ce qui n’a quand même rien à voir, comment tu t’es mise dans ces séances d’écriture-là qui ont dû être parfois difficiles avec des émotions très, très fortes?
Comment écrire un livre témoignage fort… avec des épisodes difficiles
Christelle: [00:13:43] Alors, au début, j’ai écrit comme j’écrivais pour le théâtre, c’est à dire que, par exemple, avant chaque début de dialogues, j’écrivais qui parlait, donc j’écrivais : “moi, ma mère, …”. Puis, je l’ai fait dire à la bêta-lectrice au sein du Mastermind, et puis après par une amie correctrice et elle m’a dit : quand tu écris un témoignage ou un roman, on ne fait pas ça. Donc il y a eu des choses comme ça, c’était drôle, des erreurs qui ont été corrigées. Et après, comment j’ai fait ? J’ai vraiment suivi beaucoup des conseils que tu donnais, qui était de dire : “Vous vous donnez des séances de 20 minutes et vous écrivez”.
Ne mettez pas de barrières pour écrire.
Et comme moi, j’écrivais déjà du théâtre, et je n’écrivais pas du tout comme ça. Je n’écrivais que si j’avais l’inspiration. Je pouvais ne pas écrire pendant une longue période et tout d’un coup, de m’y mettre. Comme tu as proposé ça, ces séances de 20 minutes, avec un petit rituel avant, je me dis : “c’est bien gentil, mais je ne vois pas vraiment ce que je peux écrire en vingt minutes !”. Et à nouveau avec mon syndrome de la bonne élève, je me dis : bon, on t’a dit de le faire, tu le fais. Finalement, pour les sujets et thèmes un peu chauds que je traitais, vingt minutes, c’était parfait parce que c’était : je crache ce que j’ai à cracher, ça sort sur la feuille en 20 minutes, je vais boire un thé ou faire deux postures de yoga, ou tout simplement travailler.
Ensuite soit je m’y remets, soit je ne m’y remets pas. Et puis, ce qui était bien, c’est qu’en plus, comme il y avait des séances, d’écriture, à plusieurs ou à distance, quand c’était un peu trop chaud, je discutais un peu avec des gens qui étaient sur le chat.
Donc c’est comme ça que j’ai rétrospectivement, pu aussi gérer émotionnellement.
Le découpage en petites sessions
C’est que des petites séquences de 20 minutes, même si des fois, j’ai pu faire une heure 20 d’écriture, mais c’était entrecoupé et ça, en fait, ça m’a beaucoup aidée parce que parce que ça faisait que je n’étais pas en train de revivre les événements, de me laisser contaminer par les émotions. J’étais en train d’écrire et de travailler, de travailler de manière romanesque, de témoignage. Faire attention à la clarté, etc. Et du coup, il fallait que je sois efficace en vingt minutes, alors que si je me laissais aller comme cela se faisait au théâtre, ça aurait été différent, avec ce sujet-là qui me touchait de près. Je ne sais pas si j’aurais eu le même enthousiasme à l’écriture.
Ingrid: [00:17:07] On aurait peut-être procrastiné plus facilement aussi comme ça.
Christelle: [00:17:10] Oui, je pense, parce que j’aurais eu un peu de mal à y retourner de crainte d’être trop prise émotionnellement, alors que là, comme il y avait un cadre en plus, en plus c’est tout bête. Mais tu peux, après les séances, donner ton décompte de mots sur le chat, donc ça me donnait des dérivatifs, en me disant “Ah ben tiens, je pensais que j’avais rien à dire sur ce sujet. Ah ben, j’ai pu écrire tout ça”. Donc, ça m’a évité de procrastiner et d’être trop émotionnellement touchée par quelque chose qui déjà me touchait énormément.
La peur d’écrire les scènes fortes
Ingrid: [00:17:52] Et donc, tu trouves que tu ne revivais pas les émotions un peu négatives que tu décrivais. Personnellement pour avoir aussi écrit un roman témoignage, en l’occurrence FoodFighting, mais aussi des romans difficiles qui touchaient à des problématiques personnelles, j’avais parfois l’impression de revivre justement ces fameuses scènes en les écrivant et même de les revivre en puissance 20, finalement, parce que je plongeais vraiment dans le personnage, me redemandais comment c’était de sentir ça dans son corps, cette émotion-là, etc. Mais c’est vrai que, comme tu le dis, c’est différent. Finalement, on a le choix. En fait, on peut le faire ou pas. Quand on écrit, on a cette distance.
Christelle: [00:18:30] Oui, c’est exactement ça. On a cette distance. Et puis tu as raison, moi aussi je replongeais dans un but précis, c’était pour aller écrire alors que sinon je pense que j’aurais auto-nourri l’angoisse alors que là, je replongeais certes dans des choses difficiles, pas agréables, mais dans le but d’en ressortir quelque chose pour l’écriture. Donc, du coup, ça mettait l’objectif dans un endroit finalement porteur.
Comment écrire un livre témoignage ou autobiographique … quand on n’en connaît pas la fin !
Ingrid: [00:19:06] Et au sujet du livre autobiographique, la difficulté que j’ai eue, que tu as eue, et que je pense qu’on peut très facilement avoir dans ce cas-là, c’est que comme c’est de notre vie dont il s’agit, on n’a pas la fin. Comment ça s’est passé pour toi?
Christelle: [00:19:23] Ah ben, ça a été quelque chose. On en avait parlé. Parce qu’en plus, dans le mastermind, je voyais d’autres sujets ou d’autres types, qui avaient leur fin puisque c’était un polar. Mais là, oui, ta fin est effectivement béton. Ça commençait un peu à m’angoisser, en plus, il y avait un truc que je voyais très basiquement, je me disais : la fin, ça ne va pas être le fait que ma mère décède, ce serait horrible.
Comment Christelle a choisi la fin du livre
Et donc ça a commencé à me travailler beaucoup. Et puis, un moment, tu m’as dit : attends! La fin au bout d’un moment, elle va apparaître. ça va te sembler évident. Ou sinon imagine que c’est telle fin. Et puis tu pourras y revenir et du coup, ça m’a apaisée. Mais c’est vrai que c’est parce que ce que j’écrivais au théâtre, même si ça se passe toujours sur des choses qui me touchent ou qui m’ont touchée, n’était plus des histoires en cours, c’était des histoires finies.
Et donc ça, c’était aussi une très belle nouveauté pour moi. C’était tellement drôle et c’est vrai qu’à un moment, je n’arrêtais pas de me dire : quelle fin je vais mettre ! Et tu m’as dit : Arrête de d’angoisser avec ça, poursuis. Si tu besoin de poser une fin, poses-en une de manière arbitraire et tu verras que tu auras ton premier jet. Que tu peux relire. Donc ça, c’était vraiment très précieux. Et c’est vrai que c’est un peu étrange.
“Montrer les cicatrices et pas les blessures” : vrai ou faux ?
Ingrid: [00:21:59] C’est intéressant comme témoignage de ta part, parce que souvent, quand on parle de roman autobiographique, il y a un peu un adage qui est “on doit montrer les cicatrices et pas les blessures”. Et c’est vrai que c’est mieux si on a du recul, si on est capable d’analyser un peu la situation a posteriori. Mais le problème, c’est que dans ce cas-là, toi, tu n’aurais pas pu forcément écrire ton livre. Moi non plus. Soyons honnêtes. Et donc je trouve que c’est intéressant d’avoir ce témoignage, de dire : on peut être en plein dedans, et quand même écrire un livre à ce sujet-là.
Pour Christelle : montrer les cicatrices
Christelle: [00:22:38] Je connaissais pas du tout cet adage, mais l’analyse que tu fais est juste dans le sens où moi, j’ai écrit des textes où je montre les cicatrices, j’ai écrit des pièces de théâtre, où j’en parle, mais là, ça n’aurait pas pu s’y prêter. Là, moi, je montre la blessure en cours et je trouve que c’est tout aussi nécessaire.
Ingrid: [00:23:08] Ça fonctionne aussi et puis c’est sûrement plus réel, on est vraiment au cœur de toi, et pour avoir lu le début, on est vraiment plongé dans ta peau, dans tes émotions, dans tes sensations. C’est un livre très, très cash et vivant. Et je ne suis pas sûre que si tu avais attendu une vingtaine d’années pour l’écrire, il aurait eu toute cette émotion-là que va certainement ressentir un autre aidant.
Un besoin de partager le vrai
Christelle: [00:23:39] C’est sûr que le côté cru, il est là parce que, comme tu dis, c’est exactement ça, il y a un côté à fleur de peau très présent. Que je vis. C’est sûr que dans 20 ans, je l’aurais pas dit comme ça. Je ne sais même pas si j’aurais eu envie. Et puis, il y avait un besoin de le faire maintenant.
Ingrid: [00:24:00] Alors là, on quitte un peu l’écriture pour revenir plus aux corrections, je dirais, mais une fois que tu avais écrit, extériorisé tes émotions, il fallait corriger. Il fallait se dire : comment ça va se passer pour un lecteur qui découvre ce livre. Déjà, est ce que dans ta tête, tu écrivais pour des aidants ou pour tout un chacun? Parce que finalement, on peut tous être concerné par le sujet.
Pour qui tu écris
Christelle: [00:24:25] Alors, si ça peut peut-être paraître étrange, mais quand j’écris, j’écris avant tout pour moi. Donc bien évidemment, je sais et j’espère qu’il y aura un lecteur. Mais avant tout, j’écris pour moi dans le sensOù j’écris ce que j’aimerais, ce que j’aurais aimé trouver et lire. Donc j’écris avant tout pour moi. Mais ce qui s’est passé, c’est que comme j’étais dans le mastermind, pour que ça arrive à un lecteur, il y a eu donc une béta lectrice.
Après, je l’ai aussi fait lire à une amie correctrice et chacune m’a dit “C’est super. Parce qu’en plus, il y a des conseils. Il y a des choses très pratico pratiques, en plus de ton partage, de ton ressenti.” Et progressivement, a mûri l’idée que ça pourrait servir aux aidants, mais aussi sur un aspect très concret et très pratique. Mais au début, quand je l’ai écrit, je ne l’ai pas écrit en disant : ça va servir à d’autres aidants.
Le partage d’expérience
Christelle: [00:26:09] Alors que bon, moi, je me disais : je fais ça surtout pour moi, pour me faire du bien et me faire plaisir.
Mais plus le projet avançait – Certains parlent de synchronicité, c’est aussi parce qu’on est polarisé dessus -, je me suis mise à parler de mon sujet et on me répondait : “Ah, moi, je suis concerné. Ma mère, elle a eu ça.” “Ah ben, je savais pas du tout mesurer à quel point ça avait été aussi dur d’aider sa mère sur sa fin de vie.”
Ou “Il y a un mois, c’est mon père, il a eu ça, mais je n’avais pas du tout compris. Ça l’a complètement changé.” Et puis, quand j’ai fait la réécriture, j’ai plus axé mon propos en me disant “Imagine qu’un aidant lit ça :qu’est ce qu’il pourrait en retirer?” Outre le fait qu’il y a une communication de ressenti. Donc voilà, on va dire que mon lecteur est apparu en plus en deuxième temps.
Les témoignages sur son livre
Ingrid: [00:27:16] Et est-ce que tu as eu des témoignages de lecteurs déjà ?
Christelle: [00:27:19] Ce qui revient souvent, c’est que c’est cash, c’est cru, c’est direct, mais qu’en même temps, c’est nécessaire, qu’il y a plein de conseils, que ça chamboule. Et c’est exactement ce que je veux faire avec l’écriture, quel que soit le type, c’est que, comme je dis souvent, je ne veux pas que les gens en sortent indemnes. Moi, quand je lis quelque chose, je ne veux pas ressortir indemne. Je veux que ça me change en me disant : Ah ouais, ok, je n’avais pas vu ça. Et donc, quand les gens me disent ça, je me dis OK. Objectif atteint. Après, je pense qu’il y a beaucoup de gens qui vont s’arrêter avant la fin ou qui vont lire petit bout par petit bout parce que c’est compliqué de pas se sentir touché.
Recevoir un retour sur un sujet très personnel
Ingrid: [00:28:33] Quel que soit le témoignage qu’on peut lire, on lit quand même quelque chose d’extrêmement personnel, on se met à nu dans les lignes, et en ça, écrire Foodfighting, pour moi, a été beaucoup plus complexe et nébuleux, par exemple que les romans où j’étais très linéaire et j’écrivais dans l’ordre chronologique.
Ingrid: [00:28:52] Parce que là, on est vraiment en train de se mettre à nu au lecteur. C’est sûrement pas une lecture facile, mais en même temps, comme tu dis, c’est un sujet qui va tous nous concerner, donc je trouvais intéressant aussi que tu aies cet aspect cash et percutant parce que si tu nous avait arrondi les angles et nous avais dit “vous inquiétez pas, tout va bien se passer”, le discours que tu dénonçait au début, ça ne marcherait certainement moins bien.
Christelle: [00:29:27] C’est vrai que j’avais envie de porter un autre discours.
Ce que le livre de Christelle a changé sur sa vie
Ingrid: [00:31:27] C’est encore tellement fort quand tu en parles, je trouve, l’impact que ça a eu sur toi et qu’on lit dès les deux premières lignes du livre pour faire un résumé. On voit toutes les émotions qui sont forcément liées à ce genre de situation. Et là, on est donc début 2022. Ton livre est sorti le 31 décembre 2021, tu as tenu le pari de l’écrire en un an. Déjà, félicitations. Est-ce que tu réalises que tu as écrit un livre et que tu l’a publié donc en auto édition en un an?
Les retours de son entourage
Christelle: [00:32:14] Je réalise pas vraiment, oui et non. J’ai réalisé le 31 décembre quand j’ai reçu la notification qui me disait “Votre livre est disponible” et que les gens qui l’avaient acheté en précommande m’ont envoyé des petits messages en me disant “il est sur ma tablette” et là, c’était une émotion, c’était vraiment un super cadeau parce que 2021 a été une année difficile pour moi à titre personnel. Donc c’était tellement joli ce cadeau que j’ai reçu. J’étais super contente. Et là, je commence un peu plus à réaliser parce que je commence à recevoir des retours !
Christelle: [00:33:26] J’ai deux collègues qui sont en train de le lire, qui m’ont dit “Super, je connaissais pas cette facette de toi.” Une autre qui me disait un jour à chaud, c’est bien, c’est percutant. Voilà, je commence à avoir des retours, alors il y a eu tout mon entourage… Donc oui, je réalise et en même temps, je réalise pas ce que c’est. Ça a été tambour battant, quoi. C’était 12 mois, mais mine de rien ça a été vite à la fin. Je me disais : mais c’est pas vrai, il me reste 15 jours. J’y arriverai jamais. Moi, j’ai voulu abandonner, puis après mon petit côté bonne élève, et le côté mastermind. Parce que même si tu voulais lâcher, il y avait quand même les rendez-vous réguliers. Après ça, moi, ça me reboostait à chaque fois.
Conseils après coup
Ingrid: [00:34:32] Et qu’est ce que tu dirais du coup à la Christelle d’il y a un an qui se disait “alors mes proches vont me lire, donc il faut peut-être que je fasse attention à ce que je vais écrire.” Est-ce que je vais y arriver en un an ?
Christelle: [00:34:46] Eh bien, je lui dirais : c’est ton endroit d’expression, ça, c’est ta responsabilité. Donc, de toute façon, il y aura des gens à qui ça ne va pas plaire, que ce soit ton entourage ou pas, ta famille ou pas. Mais c’est ta vérité. Partage-la. D’autant plus que ça va venir interpeller d’autres personnes, d’autres aidants. Et c’est déjà le cas. Je me suis connecté via le livre à une autre aidante avec qui on discute, on se parle. Donc, je lui dirais à cette Christelle : Vas-y ! Tu vas avoir de belles rencontres, des belles surprises. Comment ton entourage, la famille ou les gens reçoivent, ça t’appartient pas, en fait. Ce qui nous appartient, c’est d’aller jusqu’au bout parce que ça va t’aider à tenir une année compliquée, complexe.
Les conseils de Christelle pour écrire un livre témoignage quand on débute
Ingrid: [00:35:49] Et donc, ça, c’était les conseils que tu donnerais à toi même, mais est ce que tu aurais d’autres conseils? Peut-être pour les personnes qui auraient un sujet brûlant comme ça, une envie d’écrire un témoignage sur leur vie, mais qui hésiteraient peut-être parce que c’est un sujet lourd, par peur de l’immensité du projet ?
Christelle: [00:36:07] Je leur dirais que s’ils ont l’envie, il faut l’écouter. Parce que l’envie, sans ça, c’était juste un jeune. Pas pour moi qui est toujours donner crédit à mes envies d’écriture. Ça m’a toujours beaucoup apporté. Déjà personnellement, parce que tu sais, ça a beau être une histoire que tu as vécue, tu peux écrire, peu importe. Comme tu le disais dans un de tes posts, c’est la spéléo, quoi.
Ce que l’écriture d’un tel livre peut t’apporter
Tu regardes en toi et en fait, tu te redécouvres. Et il ne faut jamais faire l’économie d’essayer de mieux se connaître. Et quand il y a eu une envie comme ça d’écriture, ça vient parler à un moment donné pour que je me replonge en moi, mon histoire. Donc je dirais que s’il y a l’envie, no limit, il faut y aller et il ne faut pas se brider en se disant “non, mais je ne peux pas parler de ça. C’est inconvenant ou ça va intéresser personne.”
J’ai une copine qui dit en citant une sociologue, Brené Brown
“Les problèmes les plus personnels sont les plus universels.”
Donc, ce que tu vis, quelqu’un d’autre, forcément, le vit et tu vas rendre un service à cette personne qui peut-être, veut pas s’exprimer. Et tu vas porter ce sujet à la connaissance de plein de personnes, donc faut y aller.
Christelle: [00:37:36] Moi, franchement, heureusement que je me suis inscrite au Master Mind parce qu’au début, tu as l’enthousiasme. T’as envie, t’es trop contente le 1er janvier 2021. Mais après il y a des moments où t’as pas envie. Je me suis rendu compte de ce que tu avais dit : “Mais vous savez, l’écriture en fait telle que je la propose, c’est une aventure collective” et je me suis dit : Je suis chez moi, j’écris, point.
Personne n’a rien à me dire.” Et en fait, tu te rends compte que t’es bien contente d’être dans un cadre, par exemple. Tu suis des discussions, tu te sens moins seul, tu dis ah ok, je ne suis pas la seule à ressentir ça. Le peu de fois où j’ai posé une question, tout de suite, les gens te répondent. Après, chacun fait ce qu’il veut, mais se mettre dans un mastermind, une école d’écriture comme tu proposes ou autre.
S’entourer
Christelle: [00:38:59] Parce qu’en fait, même si moi j’écrivais, je croyais que je savais beaucoup de choses. En fait, tu as toujours à apprendre ici et c’était passionnant, donc. Puis on gagne du temps, en fait moi, j’ai gagné du temps. Si j’ai gagné du temps, c’est que j’aurais appris, par beaucoup d’essais-erreurs.
Etre encadrée a beaucoup aidé
Donc, je conseillerais aussi d’être dans un groupe ou une école pour être encadrée, avoir des bonnes idées, de la méthode. Après, c’est possible sans, mais moi, je me rends compte que ça m’a fait gagner beaucoup de temps. Typiquement là sur l’auto-édition. Heureusement, parce qu’au début, je m’en faisais toute une montagne.
Moi, honnêtement, au début, je me suis dit “je vais faire mon truc et le mastermind va surtout me servir pour cette partie-là”. Et en fait, ça m’a servi bien au-delà de ça, parce que cette dimension de l’auto-édition, je me disais : mon Dieu, ça va être l’horreur.” Finalement, pas du tout parce qu’il y a beaucoup de ressources, donc c’est aussi pour une dimension très opérationnelle que je te conseillerais d’être dans une école ou une structure, et aussi dans la dimension d’écriture créative et éditoriale.
Ingrid: [00:40:19] Effectivement, c’est pas forcément adapté à tous. J’aime bien que toi, tu parles du syndrome de la bonne élève. C’est vrai que personnellement, moi, c’est aussi ce qui m’épanouit beaucoup, d’avoir un cadre. Ça ne va pas convenir à tout le monde, bien sûr. Mais c’est vrai qu’en tout cas, si c’est avoir un cadre qui vous rassure, c’est clairement une option à creuser, je pense. Merci beaucoup, Christelle en tout cas, pour ces conseils.
Est-ce que tu as des envies, des idées de futurs livres ?
Christelle: [00:40:47] Alors, futur livre? Là, non. Je vais travailler la version papier parce que j’ai d’abord créé la version online digitale pour pouvoir tenir les délais. Toujours le petit syndrome de la bonne élève, donc. Donc, travailler la version papier, la promo du livre.
D’autres livres, j’ai pas vraiment d’idées, j’ai réfléchi et me suis dit : si tu n’as rien qui vient, accepte aussi, pour un petit temps, de souffler, de ne rien faire. Et puis, je me dis bon, allez savoure un peu plus cette victoire. Parce que bon, c’est une victoire que l’auto-édition du livre. Après, il y a des gens qui m’avaient proposé au tout début de l’écriture, une directrice d’EHPAD, de venir lire des extraits dans son EHPAD en Suisse.
Si je mène des actions, ce sera plus encore autour du livre, pour faire mieux connaître la réalité des aidants. Créer des petits réceptacles pour les aidants. Et puis là, c’est pas une envie d’écriture, mais je réfléchis à remonter sur les planches parce avant d’écrire, je faisais de l’interprétation, je jouais des pièces ou peut être que je vais refaire quelque chose où je joue, mais je ne sais pas encore quoi. C’est une envie qui est là.
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👋 Je m’appelle Ingrid, je suis auteure et diplômée en écriture créative. Rejoins la communauté des auditeurs du Café des Auteurs sur jecrisunroman.eu/hello pour écrire avec nous et causer écriture, correction et édition !
Découvre Devenir le parent de son parent… ou presque, le témoignage de Christelle sur son identité d’aidante familiale
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