Hello, collègue écrivain ! Comment incarner son personnage au mieux quand on a choisi la narration interne ? Je vais passer à la loupe le style d’une autrice classique, Virginia Woolf, et d’un-e auteurice actuelle, à savoir Cindy Van Wilder qui est déjà intervenu-e dans le Café des Auteurs. Tu en tireras plusieurs leçons utiles sur le choix des mots, la voix du narrateur, et l’incarnation du personnage. Tu trouveras un lien dans les notes du podcast vers les extraits détaillés si tu souhaites les lire au calme !
Comment incarner son personnage en narration interne, grâce à 2 extraits
Passons maintenant à l’épisode !
Comment Virginia Woolf fait pour incarner son personnage dans Mrs Dalloway
Voici un extrait de Mrs Dalloway de Virginia Woolf.
La voix du narrateur et son impact sur le style d’écriture
La narratrice est là, on est dans sa tête : « Ah ! il commence. » vient interrompre ses réflexions.
On est plongé dans les pensées et réflexions du personnage principal.
La voix du narrateur sert à transmettre les pensées, mais aussi à décrire. Les descriptions, en narration interne comme ici, sont faites au travers des lunettes déformantes de la narratrice, sa personnalité, ses émotions. Ainsi elle qualifie de « tristes mégères », de « misérables débris » des personnes qu’elle voit assis au seuil des portes. Décrire avec les yeux de ton narrateur est important pour renforcer l’identification entre le lecteur et le narrateur, et te permet d’écrire un roman qui marche !
La narration interne
Plus que la forme, le fond est également passé par les « filtres » de la narratrice. On le voit avec « combien d’années maintenant ? Plus de vingt », le lien avec son cœur « troublé par la grippe » alors que ce n’est pas le sujet. Raconter avec un narrateur interne, c’est aussi accéder à ses souvenirs, même s’ils sont flous, ou se tromper d’explication.
Le fil des pensées
Les phrases sont longues. Et ça fonctionne : l’autrice retranscrit le fil des pensées de la narratrice (« une sorte d’arrêt, quelque chose de solennel, une pause qu’on ne peut décrire ; tout semble se figer »…)
Ce sont des « phrases à la Proust » qui évoquent le style parlé et le cheminement des pensées.
Et c’est ok ! Je parle souvent de raccourcir les phrases pour augmenter leur précision, mais ce genre de phrase longue fonctionne également très bien dans le bon contexte.
L’accumulation
Une longue énumération : « Dans les yeux des hommes, dans leurs pas, leurs piétinements, le tumulte, dans le fracas … » décrit en une phrase toute la scène autour de la narratrice avec un effet de chaos organisé très réussi. Pas besoin d’un paragraphe entier : cette phrase suffit à nous donner une idée précise de la scène.
Le contraste pour rehausser le style d’écriture
Après cette belle description, s’en suit :
« Car c’était le milieu de juin. La guerre était finie. Sauf pour certains : »
Le « sauf pour certains » vient casser la contemplation, la naïveté de l’extrait. On enchaîne aussitôt sur l’histoire de jeunes garçons décédés pendant la guerre.
Ce contraste vient relever l’extrait, y apporte du relief. Le tout en fait un bel exemple de début de roman, dont on peut s’inspirer sans modération !
Comment Cindy Van Wilder fait pour incarner son personnage dans Les Outrepasseurs, tome 1
Tous droits réservés : Editions Rageot – Cindy Van Wilder, Les Outrepasseurs tome 1
Les cinq sens pour incarner son personnage
On fusionne avec le personnage de Peter. Les 5 sens, des détails y sont.
Ce n’est pas un jardin. C’est un jardin vu par le personnage. La description est donc conforme à ce qu’il ressent.
« S’efforça de maîtriser ses tremblements » fonctionne bien mieux que : « il a froid ! »
Donner des informations
Au lieu de nous dire qu’il a l’impression d’être épié depuis longtemps, on le vit.
« Mum avait été stricte là-dessus » : cette précision anodine en apparence cache de nombreuses informations sur le personnage et l’intrigue. Passée au travers du prisme du personnage, ça fonctionne très bien.
Des phrases courtes dans l’action
La tension et l’action s’intensifient : les phrases se raccourcissent. Une phrase longue ralentit souvent l’action, est plus appropriée pour les pensées des personnages comme dans l’extrait de Virginia Woolf.
Certaines phrases ne comportent qu’un seul mot : « Personne ». « Cours ». D’autres n’ont pas de verbes. « Rien d’autre que le jardin assiégé par la neige et le vent ».
Des mots précis, LE moyen d’améliorer son style d’écriture
Peu d’adverbes, d’adjectifs, de participes présents : Cindy leur préfère la précision des mots. « Le froid le transperçait de toutes parts » fonctionne bien mieux que « le froid glacial » ou « le froid le frappa fortement » !
Comme toi, j’ai souvent entendu le conseil d’écriture « éviter les adverbes », voire les supprimer. Ce n’est pas la bonne façon de voir les choses. Quand j’ai étudié l’écriture créative, mon professeur disait que les adjectifs et adverbes affadissent le reste de la phrase et qu’il vaut mieux que leur idée soit contenue dans les autres mots. Ici, c’est le cas avec transpercer. Il fonctionne bien mieux qu’un « frappa fortement », ou les différents adjectifs que Cindy aurait pu coller au mot « froid ».
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